Sous les premiers rayons d’un soleil bien déterminé à percer, des râles se font entendre. J’aurai juré avoir fermé ces satanés rideaux, bien qu’il soit encore tôt et d’humeur aigrise, je pousse violemment la couverture hors de mon corps à moitié vêtu. Remarquant que la place d’à côté est vide, je soupire décidant qu’il est temps de passer sous la douche. Pas du genre à trainer au lit, je m’étire vite fait relâchant le sommeil restant de mon corps, décidée à attaquer la journée.  

Après une longue, mais vraiment longue douche, c’est dans la cuisine que je retrouve une cafetière pleine et surtout encore bien chaude. Du café, Dieu merci il y pense tous les matins, c’est un peu ça de vivre avec un autre accro. Une tasse plus tard, je m’installe à la petite table ronde pour le savourer en vérifiant mes courriels. Ne sait-on jamais qu’un mail plus important que les centaines de publicités, que je reçois par jour, vaille la peine d’être lu. Souvent, je me demande à quoi bon payer un abonnement supplémentaire pour un meilleur spam !  

Après plus d’une heure et trois tasses de café, l’heure du déjeuner approche, l’envie de le partager avec une amie. Je vais aller embêter Clarence, il y a un sacré moment que l’on ne s’est pas vue, je serai déjà sur place pour mon prochain service, gagnant-gagnant. J’enfile une veste par-dessus mes épaules, attrape les clés de voiture et file vers l’hôpital. Le trajet n’est pas bien long mais il me permet de me gonfler à bloc en hurlant ce qui ressemble à aux paroles d’une chanson. Un petit air du groupe ACDC joue en fond, me voilà partie dans une partie d’air guitare, imitant l’un des instruments de la mélodie. Un ressentiment d’être observé me guette, sans réfléchir, je tourne la tête vers la droite pour y voir un homme d’un certain âge. Il me regarde, les sourcils froncés avec un air de grincheux, je lui souris en haussant les épaules et reprends la route.  

« C’est l’heure du déjeuner »

J’entre dans le bureau du service pédiatrique, hurlant presque, faisant tourner des têtes. Je me dirige vers mon amie la serrant dans mes bras, elle m’a été d’une aide très précieuse à mes débuts, nous sommes devenues amies au fil du temps.  

« Ma petite Clarence, je suis contente de te voir, on s’est trop souvent manqué ces derniers temps. Mais c’est quand-même l’heure du déjeuner, alors bouges tes fesses, on descend »    

Ce matin, tu n'espérais que de retrouver ton lit. Tu as eu une nuit d'enfer. Entre trois infirmières qui ont refusé un quart de travail, une femme ayant eu des complications à son accouchement et un bébé ayant eu des difficultés respiratoires après la naissance, on t'a en plus demandé de rester pour la suite des choses puisqu'il manquait de personnel et qu'on ne serait pas de trop avec un deuxième pédiatre, surtout que tu as également une formation de sage femme. T'as soupiré intérieurement et tu t'es frotter le visage, ennuyée. Tu ne pouvais pas refuser. Toi qui avait été si longuement absente du travail suite a ton divorce. S'en ai suivi avec les aléas de la vie. Tu retournais t'asseoir au poste de garde lorsque tu entends cette voix. Tu la reconnais. Tu la reconnaîtrais entre milles. Eva. Ta douce amie.

Vous vous étiez rencontrées ici. À l'hôpital. À l'époque, tu venais tout juste de terminé tes études. On te balançait sur l'étage avec ton maître de stage et quelques infirmières tout aussi jeunes que toi. Eva en faisait partie. T'avais quelques mois d'expérience alors tu avais été une sorte de mentor pour elle. Tu l'aimais d'amour. Une vraie petite soie. Quand elle t'avait annoncé qu'elle quittait le département, ça avait été pire qu'une séparation! Vous étiez tellement un bon team. « Ah ! Pereira! Que me vaux l'honneur de ta visite ?» lui dis-tu, un sourire malicieux sur les lèvres. Elle te sert dans ses bras et tu en fait de même. « Comme je suis contente de te voir! T'as raison, Y'a trop longtemps qu'on ne s'est pas vu toutes les deux!» Lorsque votre étreinte est terminée, tu te retournes vers tes collègues et hausses les épaules. Tu déposes ton sarrau sur ta chaise et tu pointe du pouce ton amie par-dessus ton épaule : « Vous avez entendu? J'ai pas le choix, Chef Pereira m'oblige! À toutes les filles!» certaine collègues rient, elles la connaissent et savent qu'elle ne décrochera pas tant que tu n'auras pas accepté. Les autres soupirent, frustrées. « J'Vous ramène du café, promis! S'il y a quoi que ce soit, j'ai mon bipper!» Et oui! Vous carburiez toutes au café, ici. Tu te mets en route, avant que l'on t'arrête pour quoi que ce soit. « Dépêches toi, sinon elles vont m'obligé à rester!» dis-tu, en chuchotant à ton amie.