Abigaïl est le prénom de notre mère, jeune femme respectée dans sa famille, du moins avant que j’arrive. Je suis comme qui dirait le fruit du pêcher, roh ils ont eu un enfant hors mariage ! Ils n’avaient que dix-sept ans, et pas de la même religion par-dessus le marché, elle est catholique et lui laïc, tu parles d’une polémique ! Bref, notre mère a cessé ses études pour m’élever et notre père, Julio et attention, il faut rouler le J sinon, c’est une insulte à son prénom, s’est trouvé un boulot qu’il n’aura jamais quitté jusqu’à présent, il est devenu maçon !

Ils étaient heureux d’être parents malgré leur âge, les débuts ont été difficile, je me souviens qu’on partait souvent travailler avec notre père lorsque notre mère s’est vue dans l’obligation de travailler elle aussi. Pas de famille pour nous garder et le prix d’une gardienne et surtout par fierté de mon père, ses enfants, sa responsabilité. J’ai donc trois sœurs plus jeunes, que des filles oui, on pourrait nous appeler les filles du maçon Pereira. Notre mère est tombée malade peu de temps après la naissance de la petite dernière, cancer du sein. Notre père a été encore plus protecteur, devenant le gardien de notre prison familiale. Sans exagération, notre enfance a été terminée dès ce jour-là, il a fallu devenir de petits adultes autonomes, mais qui ne pouvaient sortir que pour l’école. Devenu parano, mon père s’est mis en tête que le quartier ́n’était plus sûr et nous avons déménagé pour celui d’à côté. Un jardin plus grand pour ne pas que l’on soit tenté de sortir plus loin. Jeux interminables, nous étions certes enfants gâtés, mais privés de sorties. Souvent, je trouvais un prétexte pour que nous puissions sortir quelques heures dans un parc, un zoo où je vous emmenais sans qu'il le sache.

Les relations familiales sont souvent très tendues, vous avez plus d'affection que moi pour notre père et cela me revient très souvent au visage. Nous n'avons pas le même sens concernant notre enfance, vous vous souvenez qu'il vous laissait sortir avec moi mais sans savoir qu'il n'était pas au courant. Jamais il n'aurait accepté, bien trop peur de perdre l'une de nous. Malgré cela, il reste un père fantastique mais ma vision des choses est bien différente. J'avais douze ans lorsque notre mère est décédée, très proche d'elle, je l'ai mal vécu et même si vous aussi, je lui en veux toujours de nous avoir quitté. Donc voilà, nous sommes des soeurs mais nous ne sommes pas si proches.