Un rayon de soleil pointe le bout de son nez dans une chambre vide, s’il est venu afin de ôter le sommeil, il en est trop tard désormais. Dans une salle de bain humide, vaporeuse où résonne une cascade sous le faible son d’une musique jouer non sur le haut parleur, sur le simple téléphone. Une faible voix s’entend parmi tout ce bruit de chute d’eau, vous  l’aurez compris, j’essaie de chanter juste sur cette mélodie qui m’est connue par cœur. Mes pensées sont perdues, n’allant que vers une seule personne depuis notre rencontre, cette patiente a déclencher une réaction en moi qui m’était inconnue jusqu’à lors. Notre conversation, aussi brève soit-elle, à laisser un manque, un manque de sa voix, de sa présence lorsque je passe à table. Après cette nuit, je n’ai pu retourner la visiter dans le service, je ne peux qu’imaginer ses traits fins, ses yeux brillants dans la faible luminosité, sa voix si douce et enjouée.

Il est désormais temps de se rendre à une réunion comme chaque début de journée en tant que infirmière à domicile, vous le savez, ceci est mon deuxième métier. La décision de qui prendra les nouveaux patients, qui sera responsable de la prochaine garde et ensuite un déjeuner tous ensemble avant d’attaquer les visites chez les patients. N’ayant pas fait attention, j’ai accepté plus de dossier qu’il m’est possible d’assumer, il faudra donc que je mette les bouchées doubles afin de terminer la journée avant la prise du service de ce soir puisque je suis désignée de garde ne travaillant pas à l’hôpital cette semaine. Le reste de la journée se déroule sans accro, je parviens à garder un rythme conséquent et cela me permettra peut-être de terminer plus tôt que je n’ai pu imaginer.

Une grande allée s’ouvre à moi laissant vue sur une très belle maison, je vérifie l’adresse sur mon carnet de note et vérifie sur la boîte aux lettres que le nom correspond. Soudainement, j’ai comme une impression de déjà vu, Barnes, le nom de famille ne m’est pas inconnu. J’attrape mon matériel dans le coffre de la voiture soupirant de la lourdeur de cette mallette. D’un pas lourd, parce que j’ai plutôt hâte que la journée se termine, elle fut longue et plutôt fatigante, je franchis le chemin vers la porte d’entrée. Un mot demande d’entrée directement, je me rappelle avoir lu sur la fiche que la bénéficiaire est plâtré, je frappe donc trois fois avant de franchir le seuil. Lorsque je m’enfonce un peu plus loin dans la maison, je trouve enfin la dame dont je dois m’occuper et mon air fatigué s’en va. Barnes, mais oui, Lilianne Barnes, comment ai-je pu oublier son nom de famille. Je m’avance un peu plus près avant de la saluer d'une main timide, c’est maintenant que tu restes sans voix ma petite Eva !

Comme à chaque journée de visites, les patients sont bien souvent venus à l’hôpital à un moment où un autre, il y a aussi ceux que je soigne depuis quelques années pour divers soins quotidien. Comme cette dame âgée de la septantaine, Lucienne, une dame qui a perdu des enfants, son mari est mort il y a quelques mois, lui aussi était l’un de mes bénéficiaires. Lucienne est une patiente comme je les aime, tellement douce et gentille même parfois trop, elle souffre de diabète mais sait à peine se déplacer. Je lui ramène quelque fois des restes et elle me remercie avec les cookies bon marché dont le goût est horrible, mais ne lui dites pas. C’est tellement attentionné de sa part que le geste en lui-même reste apprécié.

C’est l’une de mes collègues du jour qui s’est occupée d’elle ce matin, avec les nuits à l’hôpital, je commence souvent les journées plus tard, prenant la tournée de début de soirée. Lorsque je franchis le pas de la porte, je ne pouvais me douter de qui serait ma dernière patiente pour aujourd’hui. Moi qui pense très souvent à cette femme, à notre courte mais agréable conversation, d’avoir partager un repas dans un silence plaisant. Je reste immobile un instant, sachant à peine saluer Lilianne, mon cœur se sert un peu lorsqu’elle semble ne pas se souvenir aussi précisément que moi. Mais après tout, il est normal puisque l’on s’est vue qu’une seule fois et pas dans les meilleures conditions.

« Il me semble que si, Madame Barnes si je me souviens bien »

Je parviens à former une phrase, encore sous une légère euphorie d’être avec elle, encore une fois seules, ok, faut se calmer un peu Eva !

« Je suis l’infirmière Pereira, je fais partie d’une équipe indépendante en plus de l’hôpital. Votre dossier nous a été transmis et nous allons être amenées à travailler ensemble sur votre guérison. Je vois que vous avez déjà bien repris en si peu de jours, pour aujourd’hui, nous allons simplement vérifier les paramètres, changer vos pensements et faire cette horrible piqûre »

Dieu, je vais devoir faire preuve d’insensibilité, bientôt, je sentirai son parfum, je serai assez proche pour enfin apercevoir les traits de son visage plus précisément. Je commence par m’avancer vers Lilianne, déposant mon matériel sur la petite table. Je fouille un peu dans mon caisson pour en sortir une paire de gant et la seringue, je prends une profonde inspiration silencieusement avant de me préparer à piquer.

« Commençons par le plus désagréable, si vous voulez bien soulever un peu votre blouse, je m’occupe du reste. C’est plutôt calme, idéale pour se reposer et gagner en force »

Je tente un début de conversation, un peu fébrile mais cela peut nous permettre de discuter à nouveau, entendre sa douce voix.  

C’est comme si l’univers avait enfin compris ce que je voulais depuis cette fameuse soirée, revoir cette belle rousse. Bon, j’aurai aimé bien sûr dans un autre contexte, peut-être qu’elle trouvera un côté sexy à la relation infirmière/patient, non mais quelle pensée ! Ce n’est pas comme si tu n’y as pas pensé depuis votre conversation ! J’accepte sa confusion, c’est vrai qu’il faisait plutôt sombre dans cette chambre, qu’il était déjà tard mais surtout que son état n’était pas au mieux. Je lui souris en me présentant à nouveau, lui laissant entendre par la même occasion le programme qui suivra. Il faut que je rassemble mes idées, c’est un vrai bazard ! Elle était vraiment triste les jours suivants ? Merde pourquoi je n’ai pas demandé à être plus que temporairement dans ce service.

« Ne vous inquiétez pas pour votre état durant notre dernière rencontre, le principal est que vous vous portiez un peu mieux depuis »

Ok, j’avais tellement envie de répondre par un flirt, il en aurait été déplacé de le faire, surtout durant une relation entre une infirmière et sa patiente. Je me contente de lui sourire, prenant place à ses côtés afin de commencer les derniers soins de la journée. Lilianne me fait savoir qu’elle aura besoin d’aide afin de tenir sa blouse, il est vrai que je n’ai pas songé à m’en occuper au vu de son état. Je lui souris en soufflant un léger oui, intimidé par ce qu’il pourrait se passer, ce que je pourrai voir. Ce n’est qu’un bout de peau Eva ! Je soulève sa blouse tout en faisant attention de ne pas lui infliger une douleur, déjà que la piqûre ne sera pas agréable.

« J’aurai donc la chance de vous soigner durant tout ce temps »

Attends, on a dit pas de flirt, même si cette phrase peut sembler anodine ! Je sens mes joues rougir, j’aurai donc des semaines pour être proche de cette femme, cela me réjouit, mais doit-il en être ainsi ? Je veux dire, non seulement elle est déjà avec quelqu’un mais en plus, c’est l’une de mes patientes.

« Vous ne pouvez pas faire votre métier à distance ? »

Je ne me souviens pas qu’elle m’est parlé de son métier exact, je me souviens en revanche la joie dans sa voix, elle aime ce qu’elle fait et puis, une autre distraction que de laisser mon imagination travailler. Doucement, j’enfile l’aiguille dans la chair de son ventre, essayant d’être la plus douce possible même si je sais qu’il ne peut en être autrement avec l’injection en elle-même. Je peux sentir la chaleur de sa peau à travers ma paire de gants, il ne faut pas plus pour que mon esprit imagine le reste ! Secouant la tête et me filant une gifle mentale, je jette l’aiguille usagée dans un petit récipient adapté avant de retirer la paire de gants et désinfecter mes mains. Je laisse de cette façon quelques minutes s’écouler, sans doute pour prendre plus de temps, ou peut-être pour lui permettre de se préparer à la suite, le changement et nettoyage des plaies.

Tout en commençant les soins de ma patiente, j’écoute ce qu’elle peut me dire, à vrai dire, sa voix sonne telle une mélodie que je peux écouter en boucle. Je me surprends encore une fois à penser d’elle d’une façon qui n’est pas vraiment autorisée, mais comment puis-je m’en empêcher quand cette rousse enivre mes sens.  

« Et bien, il est normal dans votre état de dépendre un peu des autres. Pour les repas, il y a aussi la possibilité d’être livré par des associations du coin » J’essaye de me souvenir d’au moins un nom, peut-être que son assurance peut prendre ce genre de service en gestion ? « Je peux jouer les livreurs le soir lors de ma venue pour les soins » Mais d’où ça sort ? Comme si toutes les infirmières à domicile apportaient le repas à leurs patients ! « Je veux dire que cela ne me dérange pas, et ça sera comme la bonne action du jour » Je hausse un peu les épaules, faisant comme si tout cette histoire n’était qu’une pure suggestion banale dont je n’ai pas entièrement envie de partager à nouveau un repas en sa compagnie.  

Et me voilà aussi rouge qu’une tomate, Lilianne répond à mon flirt involontaire et mon esprit divague à nouveau. Non, je dois rester professionnelle n’est-ce pas ? Il est bien illégal d’entretenir une relation avec une patiente, du moins ce n’est pas du tout éthique ou encore accepté par l’ordre.  

« Merci » Est tout ce que je peux sortir vocalement sans que ma voix ne se brise, seulement par peur de tomber dans un autre flirt, essayant de changer de sujet, je lui demande un peu plus sur son métier et l’entendre m’en parler est encore plus délicieux. Son ton lorsqu’elle m’explique ce dont elle a besoin, je peux entendre la dception de ne rien savoir faire, que son métier lui manque surtout pour la compagnie des autres. Je pourrai venir et lui faire la lecture, je pourrai moi lui tenir simplement compagnie, même si cela est dans un silence absolu.  

« Je peux me renseigner pour vous, il y a une ASBL qui aide les personnes en leur tenant compagnie, les aidants dans les tâches quotidiennes. Et cela reste toujours moins cher que les aides à domicile. Je peux vous donner leur numéro, je les aide à l’occasion pour des soins médicaux et autre chose dont ils peuvent avoir besoin. »  

Peut-être même que je pourrai être la personne qui se porte volontaire pour lui tenir compagnie entre deux, tout temps passé avec cette femme ne fera que me rendre heureuse.  

Je prends plaisir à être en sa compagnie, peut-être même un peu trop et cela me trouble. Il s’agit là d’une patiente, je me dois de rester professionnelle malgré la difficulté de l’être. Mon esprit divague sur des choses dont j’aurai bien honte d’en parler, la douceur de sa peau sous le passage de mes doigts l’aidant à remonter sa chemise. Le flirt, le désir de toucher plus de partie de son corps, les picotements dans tout mon être lorsque ses yeux croisent les miens. Ouais, je suis presque sûr que je rougis toujours essayant de calmer le feu de mes joues. Le regard baissé, honte des pensées abusives à son égard, je l’écoute m’expliquer que sa compagne, oui, c’est là que mon esprit revient à la réalité, elle est déjà avec quelqu’un !

Ma seule réaction est d’insister encore pour l’aider, surtout pour passer du temps en sa compagnie. La rousse trouve encore de quoi refuser poliment, je me contente de sourire un peu déçue avant de me souvenir que je vais être son infirmière pendant encore un moment. Note à moi-même, demander à être exclusive sur ce dossier !

« Je vais piquer »

Je lui laisse le temps de se préparer avant d’enfoncer l’aiguille sur l’un de ses flans, essayant d’être le plus douce possible. Le liquide quitte doucement la seringue, je retiens ma respiration afin de ne pas trembler, cela reste tout de même difficile pour le patient. Je finis par jeter le tout dans un récipient prévu.

« C’est un sacré projet, j’y ai fait un tour l’édition passée, c’est de cette façon que j’ai rencontré mes collègues et que j’ai rejoint leur équipe indépendante »

Je souris aux souvenirs de mes débuts dans cette équipe, trois d’entre eux tenait ce petit stand avec cette banderole ridicule. Je n’ai pu m’empêcher d’être attirée par ce qu’ils avaient à me dire, pensant au début qu’il serait drôle d’essayer quelque chose de nouveaux.

« Nous allons passer aux pensements »

Je l’aide à remettre sa blouse en place, sentant sa peau à travers les gants. Dieu que j’aimerai ne rien porter, être en contact direct mais la prudence est de mise et je dois porter ces fichus choses ! Je retire les gants avant d’en changer pour la suite, je lève les yeux me perdant un instant dans les siens. Attendant qu’elle me dise être prête pour la suite des choses, je tiens toujours à avoir le consentement de mes patients avant de les martériser.